Pourquoi faire un scénario régional ?

  • Pour agir face aux changements climatiques
  • Pour réfléchir à notre dépendance aux énergies fossiles
  • Pour tester la cohérence régionale du scenario négaWatt national
  • Pour ouvrir la voie vers une société post-nucléaire

L’enjeu « gaz à effet de serre »

Les scénarios des scientifiques du GIEC(*) sont clairs : ce qui nous attend, c’est une catastrophe climatique.

Face à cet enjeu, l’ambition « officielle » des politiques publiques internationales et Française, c’est la division par 4 des gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2050. Cet objectif est « décliné » dans de multiples domaines (urbanisme, construction, transports, développement des énergies renouvelables etc.) ; il est également « relayé »à toutes les échelles du territoire national, par exemple au travers des « Plans Climat-énergie-territoire » comme celui que la Région Centre et d’autres collectivités (départements, agglomérations, etc.) sont en train de mettre en place.

Toutes les mesures censées aboutir à cette division par 4 des Gaz à effet de serre (GES) vont s’accompagner, soit par choix d’anticipation politique, soit par le jeu du marché et la raréfaction des énergies, d’un important renchérissement des coûts de l’énergie, et, malgré tout, d’un réchauffement significatif qui aura une influence sur la végétation, le régime des eaux etc.

Un scénario régional de virage énergétique, ce sont des réponses techniques et économiques crédibles, aptes à faire face à cet enjeu, c’est à dire un « modèle » (au sens de modèle économique et technique) qui « tourne » et qui garantit une faisabilité… Mais ce n’est pas si simple ! Car ce « modèle » technique va avoir pour effet de modifier nos modes de vie ! Face aux scénarios techniques les plus élaborés, on trouve par exemple aujourd’hui, trois grands types d’attitudes :

  • Le refus de voir : «  le réchauffement n’est pas prouvé », « on ne va quand même pas revenir en arrière », « du pétrole, il y en aura toujours »
  • La fuite en avant : «  On a inventé le moteur à eau, mais ce sont les lobbies du pétrole qui n’en veulent pas » « On va bien trouver des solutions »
  • Le catastrophisme : « il est trop tard, on ne peut plus revenir en arrière », « nos enfants verront bien », « l’homme est condamné »…

Ces attitudes, tant de déni que de confiance aveugle dans la maitrise de l’Homme sur la Nature, on les trouve aussi bien chez les citoyens que chez les politiques qui les représentent. Alors, on peut estimer que la logique « rationnelle » (technique, économique, industrielle) finira par l’emporter, qu’elle s’imposera « d’elle même ».

Dans ce cas, la construction d’un scénario qui fonctionne « techniquement » s’adresserait surtout aux politiques, qui sont censés se l’approprier, en débattre, puis l’adopter et le traduire en mesures opposables (règlements, incitations etc.). On peut aussi estimer, et c’est plutôt dans cette optique que nous nous plaçons, que tout le monde peut comprendre et s’approprier les enjeux, et que, pour entrer dans la réalité, un scénario doit être construit et débattu à la fois « par en haut » (techniciens > élus > population) et par en bas (techniciens & population > monde associatif > élus).

L’enjeu « supprimer la dépendance aux énergies fossiles »

Le pétrole abondant et bon marché a permis à l’Europe de devenir l’une des économies les plus riches et les plus modernes de la planète. Aujourd’hui, il est devenu son principal point faible.
Qu’il s’agisse des transports, des médicaments, de l’agriculture, du textile, des plastiques, des produits d’hygiène, du chauffage, du bitume routier ou de la métallurgie, tous les secteurs essentiels de notre société se sont organisés en fonction de la disponibilité et du bas coût de cette matière extraordinaire.
Des secteurs essentiels à la vie des populations sont devenus complètement dépendants de cette ressource non renouvelable. Des millions de personnes travaillent dans des industries pour fabriquer des avions, des voitures, des plastiques qui n’existent que grâce au pétrole. Des dizaines de millions de personnes en Europe se nourrissent chaque jour avec des fruits et légumes dont la production nécessite des engrais et biocides issus de la pétrochimie et dont le transport s’effectue principalement par camions. Des dizaines de millions de personnes se soignent avec des médicaments dont la composition fait également appel à la pétrochimie, se déplacent en voiture chaque jour pour aller travailler ou chauffent leur logement avec des chaudières à fioul.
La France importe la quasi totalité de cette énergie et sans une réorganisation radicale et une reconversion de nombreux secteurs, elle sera entièrement soumise aux nouvelles contraintes qui régissent l’énergie mondiale depuis le début des années 2000.
En effet, nous avons atteint le pic ou plateau de production mondial que le géophysicien Marion King Hubbert avait modélisé dès la fin des années 1950, et le développement des hydrocarbures non conventionnels ne changera pas la donne : le pétrole, à moyen et à long terme, sera plus rare et plus cher, en région Centre
comme ailleurs.

L’enjeu « test de cohérence avec le scénario négaWatt national »

Face à des scénarios « officiels » qui manquent parfois d’ambition et qui se situent encore souvent dans une logique « fil de l’eau », les experts de l’association « négaWatt » ont élaboré en 2011 une version de leur scénario tenant compte des évolutions les plus récentes des données sur la démographie, l’économie et l’environnement.

Ce scénario actualise et chiffre les grands équilibres techniques, économiques et sociaux nécessaires pour atteindre les objectifs de sobriété énergétique, d’efficacité énergétique et d’usage croissant des renouvelables. Il repose aussi sur un nouvel effort de décentralisation, destiné à rapprocher les sources d’énergie et les utilisateurs, et à exploiter au mieux les « gisements de sobriété et d’efficacité énergétiques ». Ce scénario national, qui repose sur l’idée « déconcentrer et relocaliser nos énergies », est un atout très important pour mener à bien les calculs qui concernent l’évolution des flux d’énergie et de marchandises entre la région Centre et les régions voisines.

L’enjeu  « nucléaire » : ouvrir la voie d’une sortie méthodique et progressive, mais déterminée

Les perspectives ouvertes par différents responsables de haut niveau (Cf. , par exemple, l’article consacré à Bernard Laponche dans la revue Télérama du 15 juin 2011) ne sont pas rassurantes : ce qui nous attend, c’est le risque d’un accident majeur. Et ce qui nous attend, c’est dans tous les cas, de très fortes augmentations des prix de l’électricité, pour amortir les mesures de sécurité nécessaires pour faire face aux risques, et tenter de gérer les démantèlements et les déchets.

Là aussi, un scénario régional de  virage énergétique doit « fonctionner » techniquement et économiquement ( voir, ci après, la partie « un planning de la fermeture des centrales nucléaires »). Mais, là aussi, ce n’est pas si simple, car un scénario de sortie du nucléaire, outre le fait qu’il faut se heurter de front à un lobby très puissant, implique un changement de nos modes de vie ! Il va falloir sortir du chauffage électrique, investir massivement dans l’isolation des logements et les énergies renouvelables, apprendre à distinguer les usages « nobles » de l’électricité de ses usages « aberrants »… Là aussi, face à un scénario techniquement et économiquement crédible, on va trouver des réactions de déni, de fuite en avant, etc. :

  • « de toute façon, on ne peut rien faire d’autre » « regardez le nombre d’éoliennes qu’il faudrait pour remplacer une tranche de nucléaire »
  • « les scientifiques vont bien finir par trouver une solution pour les déchets radioactifs »
  • « oui, c’est catastrophique, mais c’est fini, on ne peut plus revenir en arrière »

Mais, là aussi, on peut  estimer que tout le monde peut comprendre les enjeux, et qu’il faut construire le scénario pour qu’il soit approprié à la fois « par en haut » (par les élus, par les techniciens, dans des logiques de grands territoires) et « par en bas » (par les citoyens, dans des logiques de proximité). C’est cela que nous appelons « promouvoir une démarche citoyenne »