Notre contribution au Grand Débat national

UN VRAI « VIRAGE ÉNERGÉTIQUE » SOCIALEMENT ÉQUITABLE S’IMPOSE

La lettre du chef de l’Etat publiée le 13 Janvier 2019 incite les citoyens à participer au grand débat national, dont la transition écologique est l’une des thématiques majeures.

L’association VIRAGE ÉNERGIE CENTRE-VAL DE LOIRE a été créée en 2012. Elle regroupe des bénévoles, spécialistes ou simples citroyens soucieux de l’urgence climatique et écologique.

Les propositions qui suivent résument, de manière schématique, quelques éléments du « virage énergétique », net, rapide et socialement équitable qui s’impose face au défi climatique, en insistant sur les moyens à mettre en œuvre.

PRÉAMBULE : un domaine champion des engagements non respectés ?

Le non-respect des engagement pris devant les citoyens est à la racine de la méfiance, voire du mépris qui peut se manifester à l’égard des institutions. Or, il faut bien constater que de très nombreux textes (agendas 21, Plans Climat Énergie, loi de 2015 sur la transition énergétique…) comportent des engagements, parfois chiffrés, qui ne sont pas tenus  depuis des années. La résorption des « passoires énergétiques », la mise aux normes thermiques de l’habitat ancien, le soutien aux énergies renouvelables, la baisse des émissions de gaz à effet de serre … tout se passe comme si, en matière de climat et de transition énergétique, un engagement, même chiffré, n’engageait en réalité personne. Notre proposition à cet égard est simple : moins d’engagements chiffrés, mais plus d’engagements tenus, et la transition énergétique pourra s’engager dans de meilleures conditions …

PROPOSITIONS RELATIVES AU RÔLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES EN FAVEUR DE LA SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE

  • A l’heure où un grand nombre de collectivités locales sont soumises à des restrictions budgétaires, il convient d’inciter tous les citoyens à hiérarchiser leurs dépenses en reconsidérant leurs besoins en termes de loisirs, matériel, déplacements, alimentation, en tenant compte de leur impact sur le climat et la destruction de l’environnement, sans attendre tout des pouvoirs publics.
  • En même temps et pour les citoyens les moins aisés financièrement, conjuguer les actions de toutes les collectivités locales en favorisant la réduction de financements accordés à des évènements festifs ou de loisirs, , forts consommateur d’énergie. Aux échelles territoriales, la création de budgets mis à disposition des personnes ne parvenant pas à réaliser leur projet de sobriété et d’efficacité énergétique. Le temps est venu de promouvoir une union concrète pour faire la force dans la lutte urgente pour le climat (mise en place de prêts à taux zéro, crédits d’impôts, d’aides financières complémentaires des aides déjà existantes, etc.).

PROPOSITIONS RELATIVES A L’HABITAT ET AU LOGEMENT

Mise en route effective en 2019 du service public de la performance énergétique de l’habitat, impliquant :

  • Conseils globaux et gratuits sur l’amélioration de la performance énergétique des logements et les financements associés ;
  • Recrutement des conseillers en nombre suffisant pour atteindre l’objectif annuel de 30 000 logements effectivement rénovés en région Centre-Val de Loire ;
  • Dispositifs spécifiques de financement adaptés aux ménages les plus modestes et au secteur HLM, tarification progressive (et non pas dégressive) des énergies nécessaires au logement : prix bas accessibles à tous pour les premiers kwh ou les premiers m3 de gaz, et s’élevant ensuite fortement.

Intégrer la compétence énergétique et l’ingénierie sociale dans  la conception des nouveaux quartiers d’habitation

Formation d’ « urbanistes-énergéticiens » par les universités, dans le cadre de la création de « Campus énergie climat » associant sciences « dures », technologies et sciences sociales.

Mettre l’accent sur la participation du public le plus en amont possible, dès le stade de la conception des opérations (seule manière que les futurs habitants s’approprient les innovations énergétiques de leurs logements, et les comportements de sobriété nécessaires). Sources possibles de financement : recettes des tarifs plus élevés des tranches hautes de consommation d’énergie dans les logements, interdiction des publicités incitant à la surconsommation d’énergies par les opérateurs (voitures puissantes, voyages aériens lointains…), taxe sur le kérosène des avions, tarifs plus élevés des cartes grises « grosses cylindrées » …

PROPOSITIONS AUTOUR DES TRANSPORTS ET DES DÉPLACEMENTS

Objectif : se déplacer (un peu) moins, se déplacer (beaucoup) mieux

Principes :

  • Préférer le covoiturage performant au développement généralisé de la voiture électrique ou à hydrogène (meilleurs résultats pour moins d’investissements, charge moindre pour les ménages) ;
  • Préférer l’adaptation des voitures existantes au GRV (Gaz Renouvelable Véhicules) à la mise au recyclage local des vehicules anciens non adaptables lors d’ achat de véhicules neufs ;
  • Réorganiser la filière de la réparation automobile selon l’objectif « réparer pour moins polluer, réparer pour économiser » ;
  • Revenir sur le principe des livraisons de colis en 24h (passage à J+2 ou J+3) plutôt que généraliser les véhicules de livraison, même « propres » ;
  • Développer les plateformes de livraison au dernier km en ville, avec véhicules propres légers (vélos, triporteurs électriques…) ;
  • Préférer les faibles puissances/faibles émissions aux fortes puissances soit disant « propres », dont le bilan environnemental n’est pas avéré (poids, fabrication, recyclage, consommation électrique d’origine non-renouvelable…) ;
  • Améliorer l’offre de transports publics (rail et route) de proximité en fonction des bassins de peuplement (nombre d’usagers à desservir). Créer une desserte cadencée à l’heure dans la vallée de la Loire, et des transports à la demande en zones rurales,Revitaliser les zones rurales avec une offre adaptée et souple ;

Réinterroger l’organisation logistique (importante en Centre-Val de Loire) : bilan énergétique des plateformes logistiques, alternatives possibles (autoroutes ferroviaires, délais de livraison plus longs …) pour limiter leur empreinte sur le climat …

Sources possibles de financement

  • Prélèvement sur les budgets routiers des collectivités (investissement et fonctionnement) ;
  • Remplacement du soutien public au transport aérien (exemple : soutien à l’aéroport de Tours, permettant le maintien de compagnies « low cost ») par des pénalités (taxe kérosène, taxes d’aéroport …) ;
  • Tarifs des cartes grises, taxes sur la publicité automobile, prélèvement sur les bénéfices des sociétés d’autoroutes, des plateformes logistiques …
  • Économies sur les frais de déplacement (entreprises, collectivités) : adaptation du barème des services fiscaux : remboursement plus élevé des faibles puissances, et plafonnement de ce remboursement pour les fortes puissances et remboursement du billet au tarif régional, dès que le trajet peut être réalisé par le train…

PROPOSITIONS AUTOUR DE L’AGRICULTURE ET DE L’ALIMENTATION

Principes :

  • Augmentation régulière de l’alimentation bio, en commençant par les cantines scolaires et de collectivités ;
  • Développement de l’autonomie alimentaire des territoires  dans le cadre des Projets Alimentaires Territoriaux associant villes et campagnes proches: plus de productions locales = moins de transports inutiles et polluants. Formation et  Installation de producteurs en maraîchage, fruits, légumes, petit élevage autour des villes ;
  • Diminution des protéines animales au profit des protéines végétales ;
  • Agriculture moins polluante et plus productrice d’énergies renouvelables (biogaz, solaire, éolien …) ;
  • Soutien au développement et à la communication des initiatives des agriculteurs ;
  • Adaptation à la région du scénario « AFTERRES 2050 »

Sources possibles de financement :

Agences foncières des collectivités (région, métropoles, départements) pour les installations ; Principe pollueur/payeur : taxes sur le négoce de produits agricoles « non vertueux », redevances versées aux agences de bassin…

PROPOSITIONS AUTOUR DE LA PRODUCTION D’ÉNERGIE ET DE CHALEUR

Principes :

  • Pas de surproduction pour faire face à des consommations « évitables » (chauffage électrique, voitures électriques de forte puissance, températures de chauffage excessives de locaux collectifs mal isolés, climatisation …) ;
  • Pas d’aventures technologiques coûteuses dans des domaines inexplorés  et/ou risqués (« nouveaux » réacteurs nucléaires…) ;
  • Ne pas plomber le financement de la transition énergétique avec le maintien en activité de réacteurs nucléaires après 40 ans : le coût du « grand carénage » (de 1 à 1,5 milliard d’euros par réacteur) ne pourra pas être « doublé » pour développer en même temps les énergies renouvelables ! Sur ce point, la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) ne tient aucun compte des réactions et propositions des citoyens et de leurs associations, ni de l’avis de nombreux experts. Nous demandons par conséquent qu’elle soit revue en profondeur ;
  • Le développement de la géothermie, de l’éolien, du solaire, du gaz renouvelable, du bois énergie, la récupération de chaleur fatale … décrits dans le scénario Négawatt régional « 100% renouvelables en 2050 » montrent qu’en termes d’emplois maintenus, détruits et créés, et de satisfaction des besoins (régionaux et extra-régionaux), le maintien en activité et le renouvellement des réacteurs nucléaires n’est aucunement nécessaire.

Faisabilité et financement

On se reportera au scénario « 100% renouvelables en 2050 » (disponible sur le site du Conseil régional) pour plus de détails sur ce sujet complexe.

La proposition de notre association est de commencer par un examen détaillé des emplois actuels (directs, indirects et induits) de la filière nucléaire dans les bassins de vie situés autour des 4 centrales de la région, et du remplacement de ces emplois de la filière nucléaire par ceux qui seront créés et induits par la transition énergétique. Les possibilités de reconversion des personnels sont à étudier dans une logique géographique différente : la production d’énergie est aujourd’hui centrée sur la Loire, et dans une hypothèse axée sur les économies d’énergie et les renouvelables, elle sera plus diffuse et concernera aussi les départements ruraux du Berry et du Nord de la région.

L’organisation des réseaux de collecte et de distribution (électricité, gaz, réseaux de chaleur) sera revue, en profitant des atouts géographiques du Centre-Val de Loire (gisements géothermiques, réservoirs souterrains de gaz, réseau des lignes HT …).

CONCLUSION

Ce que nous appelons habituellement une catastrophe, c’est un événement soudain et  brutal, provoquant de nombreuses victimes  (inondation, rupture de barrage, explosion, bombardement, accident nucléaire…).

La catastrophe climatique annoncée est lente à l’échelle de la vie quotidienne, progressive, mais inexorable et dévastatrice dans ses effets, désormais certains et en cours d’accélération.

Cette dissociation fait que le lien entre les actes individuels banalisés par l’économie libérale (températures de confort des logement, déplacements multiples et parfois lointains sans être forcément nécessaires, consommation d’objets et services numériques énergivores ou polluants …) et les effets sur le climat, n’est pas directement perceptible. Toutes les mesures que nous proposons ci-dessus tendent, précisément à rendre ce lien plus direct et sensible. A l’heure qu’il est, la responsabilité des politiques nous semble être de ne pas laisser croire que le maintien de la croissance, même « verte »,  que le maintien de nos habitudes énergivores est compatibles avec la montée du péril climatique. Les citoyens sont capables selon nous, d’entendre que nous devons faire avec le changement climatique, exactement comme nous ferions pour une catastrophe immédiate… Il appartient donc aux élus du peuple de prendre leurs responsabilités, et de réorienter massivement les budgetsdans l’esprit des mesures proposées ci-dessus. Ainsi, les politiques nationale et territoriale pourront être en accord avec les citoyens et les objectifs climatiques fixés lors des accords internationaux sur le climat.

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